Présentation

Le Laboratoire d’études sociologiques sur la construction et la reproduction sociales (LESCORES) est une unité propre de recherches créée à l’UCA au 1er janvier 2018. Cette création s’inscrit dans le cadre de la création à l’UCA d’une filière de formation en sociologie (licence, master, doctorat).

Les chercheurs.euses du LESCORES s’inscrivent dans une perspective commune, qui est celle de la sociologie générale. La sociologie s’est développée en France à la fin du XIXe siècle avec pour projet de proposer une lecture nouvelle et originale des comportements humains. Les manières d’agir, de penser et de sentir des êtres humains vivant en société sont envisagées, non comme le produit de facteurs biologiques généraux ou de déterminants psychologiques strictement individuels, mais comme résultant de processus sociaux complexes dans des contextes historiquement et culturellement situés. La discipline a pour objet les rapports entre individu et société : elle étudie les structures sociales et les régularités observables, la manière dont les individus intériorisent et mettent en œuvre les normes des groupes sociaux auxquels ils appartiennent, ainsi que les évolutions des normes et des institutions.

Les chercheurs du LESCORES adoptent une perspective disciplinaire commune dans laquelle la dimension théorique et la dimension empirique sont indissociables et étroitement articulées. Les objets de recherche sont théoriquement construits et les analyses s’appuient sur des données collectées lors d’enquêtes de terrain (données statistiques, notes d’observation, entretiens, documents d’archives, etc.). Dans le cadre de ce double travail, tout.e chercheur.euse s’efforce de faire preuve de réflexivité et de recul critique, tant à l’égard des thématiques de recherche choisies et des grilles d’analyse utilisées pour les interroger, que de sa propre posture d’enquêteur.

Dès lors, la connaissance sociologique ainsi produite n’intéresse pas que les spécialistes mais a une réelle utilité sociale. Pour les acteurs de terrain (collectivités locales, associations, professionnels, etc.), les enquêtes empiriques détaillées produisent une connaissance fine des grandes régularités sociales mais aussi de contextes précis ou des perceptions des acteurs. La connaissance sociologique est aussi d’ordre méthodologique : elle fournit des compétences (observer des interactions in situ, interroger des individus et analyser leurs perceptions, etc.) transposables dans nombre de situations.

Un axe de recherche commun à une variété d’objets : construction et reproduction sociales

Les travaux du LESCORES, groupe de recherche en sociologie générale, sont organisés autour d’un questionnement commun portant sur les processus de construction et de reproduction sociales. D’une part, les faits sociaux – manières d’être, de penser et de sentir – ne sont pas des invariants atemporels. Il importe au contraire d’en étudier la construction sociale, de montrer qu’ils résultent d’activités et de processus socialement et historiquement situés. La construction sociale peut ainsi être envisagée au niveau macrosociologique (construction des politiques ou des catégories) comme au niveau microsociologique (construction des dispositions individuelles dans le cadre d’un processus de socialisation). D’autre part, les sociétés contemporaines sont traversées par des rapports de pouvoir et de domination qui produisent et reproduisent des hiérarchies et des inégalités sociales.

Dans cette perspective, les travaux de l’équipe consistent à dénaturaliser et déconstruire des phénomènes qui apparaissent comme allant de soi en mettant en évidence les logiques sociales qui sont à l’œuvre. On montre qu’il est pertinent de penser des phénomènes sociaux, souvent envisagés comme la somme de caractéristiques individuelles, comme le produit de processus et de rapports sociaux (de classes, de race, de génération et de sexe). Les travaux passés et présents des membres de l’équipe de recherche s’inscrivent dans cette perspective. Par conséquent, c’est le point fédérateur du projet de laboratoire : les études sociologiques empiriques doivent prendre en considération la réalité sociale comme un jeu de forces et de dynamiques extrêmement riche et complexe qu’il convient d’objectiver.

Dans le cadre de cette perspective commune, les intérêts scientifiques des membres du LESCORES ne se concentrent pas un nombre limité d’objets de recherche mais portent sur des grandes thématiques de la sociologie (la fabrique des politiques publiques, la socialisation ou encore les mécanismes de reproduction sociale et leurs résistances). A partir d’une analyse des rapports sociaux de classes, de sexe, de race et de générations, envisagés dans une perspective socio-historique, les recherches s’inscrivent dans différents champs de la discipline (sociologie du travail, sociologie de la santé, sociologie de l’éducation, sociologie des politiques publiques, etc.). A l’avenir, d’autres terrains et objets de recherche pourront venir s’ajouter à cette liste, mais continueront d’être interrogés en termes de construction et de reproduction sociales.

Une grande recherche collective comme acte de naissance de notre laboratoire

L’équipe des sociologues clermontois s’est lancée, pour son acte de naissance, dans une grande enquête sociale sur le bassin thiernois. Il s’agit bien d’un projet collectif, qui implique à des degrés divers l’ensemble de l’équipe.

Le bassin thiernois se caractérise aujourd’hui par un niveau élevé de chômage, une croissance forte de la pauvreté et un vieillissement de sa population dans un contexte de recomposition de l’activité économique locale liée notamment à la désindustrialisation. Dans ce contexte, ce territoire connaît ces dernières années des dynamiques innovantes qui méritent d’être étudiées et éclairées.

Ce territoire constitue un exemple assez emblématique de ce que certains ont pu nommer « la France périphérique et populaire » (Guilluy 2014). Si la médiatisation de ce sujet a pu être forte ces dernières années, les travaux de terrain manquent cruellement pour décrire, comprendre et expliquer les logiques à l’œuvre dans de tels territoires. Il s’agit donc bien d’initier une recherche collective sur un sujet peu exploré empiriquement.

Il s’agit également pour nous de renouer avec la tradition des grandes enquêtes monographiques. L’histoire de la sociologie a été marquée en France et en Europe dès le XIXeme siècle par les grandes enquêtes sociales (Le Play, Villermé…), et cette orientation s’est poursuivie au début du XXeme siècle aux Etats-Unis par les travaux de l’Ecole de Chicago. Les grandes enquêtes sur Chicago et ses communautés locales dans les années 1920 et 1930, puis celles de R. et H. Lynd, constituent des références incontournables pour tous les sociologues. Dans les années 1960 et 1970, en France, plusieurs grandes enquêtes collectives se déploient et là aussi, vont donner lieu à des ouvrages qui vont faire date dans l’histoire de la sociologie. C’est notamment le cas de l’ouvrage d’Edgar Morin Commune en France, la métamorphose de Plodémet. Dans cet ouvrage, fruit d’une grande enquête collective, une commune bretonne est analysée au scalpel comme un microcosme où l’on peut lire les grandes mutations de la France des années 1950 (crise de la paysannerie, émergence des questions féministes, les revendications nouvelles de la jeunesse, l’arrivée de la modernité dans les villages, etc.).

Notre projet est aujourd’hui de décrypter les caractéristiques du bassin thiernois pouvant être révélatrices des mutations actuelles mais aussi les résistances à ces mutations qui participent à la recomposition de nouvelles dynamiques (comprendre et analyser les processus de délocalisations d’entreprises et de désindustrialisation tout en nous intéressant aux mécanismes de résistance des derniers artisans couteliers ou encore à la création d’Actypoles Thiers dans le cadre du projet « Territoire zéro chômeur »).

Certains aspects seront particulièrement étudiés :

  • les évolutions et profils sociodémographiques des familles à travers l’étude des services aux familles : accueil de la petite enfance, offre périscolaire, socialisation primaire, activités culturelles,
  • le poids de la socialisation scolaire, des stéréotypes sexués à la ségrégation scolaire en passant par les modalités de relégation de la jeunesse populaire, la médicalisation de l’échec scolaire,
  • les recompositions économiques locales et la place du travail dans le bassin thiernois ; à partir d’une enquête sur les filières professionnelles proposées sur le territoire et le mouvement de désindustrialisation de certains secteurs,
  • l’accès à la santé dans un contexte de redéfinition de l’offre de soins et de vieillissement de la population,
  • les logiques migratoires sur le territoire avec l’arrivée de populations nouvelles dont il s’agit de comprendre les mécanismes d’intégration peu étudiés sur ce type territoire,
  • l’organisation sociale et économique de la ville (les quartiers, le développement de la zone commerciale, la mort du centre-ville),
  • les pratiques culturelles du bassin thiernois.

Cette recherche collective, dont le projet a été conçu début 2018, constitue un temps fort de l’histoire de notre laboratoire, dans la mesure où elle arrive au moment de son ouverture officielle mais aussi parce qu’elle porte en soi un objet de recherche ambitieux et stimulant. Cette recherche doit se déployer (projet, terrain, productions scientifiques) sur six années (2018-2024).
 

Thématiques de recherche

L’orientation de l’équipe du LESCORES (« construction et reproduction sociales ») s’incarne dans un projet fédérateur, mais aussi dans des travaux sur différents objets, regroupés autour autour de trois grandes thématiques :

  • la socialisation, envisagée comme l’ensemble des processus par lesquels la société forme et façonne les individus.
  • le travail, dans ses multiples évolutions et recompositions.
  • Inégalités sociales et politiques sociales